Sipra
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 Où veillent les gardiens.

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2 participants
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Apollonia Kirillovna

Apollonia Kirillovna


Nombre de messages : 7
Date d'inscription : 19/04/2007

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MessageSujet: Où veillent les gardiens.   Où veillent les gardiens. Icon_minitimeJeu 19 Avr - 12:08

L’aube blanche et froide jette une lueur peu amène sur Sipra, et le Pont Neuf lance ses immenses jambes de pierre et de métal au travers d’une Nesie impassible. Une brume crémeuse en monte lentement, ruisselle sur les berges, noyant tendrement les cahutes des bouquinistes. Un clochard vide tranquillement sa vessie, ajoutant une douteuse tache de plus au fil de l’eau qui s’écoule. Un corps passe, gonflé et difforme, on dirait un chien. Peut-être…
Aux deux extrémités du pont, les tours de gardes s’élèvent. Deux phares cyclopéens, qui, la nuit, balaient les alentours d’une lumière inquisitrice. Celle du côté ville gardée de simples agents en uniforme, tenant la première barrière, le premier filtre. La seconde, côté île, dernier verrou visible avant l’Eden de la cité, renferme une série d’agents d’élites, faisant ici leurs preuves dans l’espoir d’un jour faire partie de la garde personnelle de Lord Stanton.
Les agents sont tous recrutés, enfants, à Heurts-et-Crasses.
Ni famille, ni liens affectifs ne doivent entraver leur future tache. On les sélectionne pour leur constitution et leurs aptitudes physiques, leurs capacités intellectuelles ne servant, plus tard, qu‘à déterminer leur rang et leur fonction dans la cité. On les nourrit, on les loge, on les éduque dans le culte de Sipra, de l’ordre et de ses dirigeants. Chaque jour on endurcie son corps en récitant en une lancinante litanie les lois siprasiennes. Tous portent l’uniforme, gris pour le commun, noir pour les corps d’élite, et tout un chacun connaît le bruit de leurs bottes martelant le pavé.

Tous portent l’uniforme, ou presque.

Apollonia Kirillovna fume lentement une cigarette mentholée à la terrasse d’un café. Elle contemple au travers des volatiles arabesques, le premier poste de garde. Elle porte avec délice à ses lèvres épaisses et un rien boudeuses la petite tige incandescente, savourant le goût à la fois âpre et rafraîchissant. Un rayon de soleil blafard caresse son visage pâle,encadré de cheveux roux soigneusement lissés, et ses grands yeux gris aux longs cils maquillés un peu lourdement pour le matin clignent doucement dans la lumière crue.
Elle extirpe sa montre gousset de la poche de sa redingote de velours noir, fronce un instant les sourcils à la vue de l’heure. Il est en retard. Cela fait dix minutes qu’il devrait être là selon son informateur. Apollonia déteste le
manque de ponctualité. Ça vous chamboule tout l’emploi du temps d’une journée.

Elle écrase sa cigarette à moitié consumée et s’apprête à ouvrir le journal pour patienter, quand la silhouette s’avance du bout de l’avenue vers le pont. Le pas semble décidé, pas la moindre hésitation en se dirigeant vers les sentinelles en faction à la barrière. Un peu trop même, et la buée qui s’échappe de sa bouche dans le froid du matin est un peu trop présente, il a le souffle court et saccadé. Quand apprendront-ils à dominer leur peur de la mort ?
Elle ne la connaît pas, l’âme slave sans doute.
La veste trop large du bonhomme par rapport à l’épaisseur des jambes confirme le reste. C’est bien son oiseau. Un coup d’œil à ses mains lui indique qu’aucun contacteur ne s’y trouve, un autre au sommet de la tour que ses collègues sont aux aguets, les gueules noires et froides des fusils de précision dépassant légèrement des fenêtres.
On allait maintenant essayer d’éviter tout un fouillis salissant. Elle se lève en lissant rapidement ses jupons, saisi son ombrelle et, d’un petit pas bottiné et rapide, trottine pour intercepter sa trajectoire. Au moment de le croiser elle lui sourit de ses dents blanches et bien rangées, c’est son petit cadeau avant de faire ce qu’il se doit. Elle trébuche sur le pavé, ses bras se jettent au cou de l’homme pour se rattraper. Dans un réflexe il la rattrape, l’enlace et la soutient. Elle aime la galanterie. D’un rapide mouvement du poignet en arrière, elle déclenche le mécanisme fixé à son avant bras sous ses vêtements, et quinze centimètres d’acier effilé pénètrent la nuque de l’homme selon l’angle adéquat.
Au moment où la lame transperce son cerveau, ses yeux s’agrandissent légèrement et son corps s’affaisse sous le poids d’Apollonia et de la mort. Il n’a pas souffert, n’a rien vu venir.

Elle se dégage doucement de son étreinte et entrouvre sa veste, entendant le bruit des bottes qui se rapprochent. La ceinture de dynamite est bien là.
Elle se relève et nettoie rapidement les quelques gouttes de sang sur son poignet et sur la lame, la rétracte. Ses collègues arrivent à sa hauteur. Elle les salue d’un mouvement de tête et retourne en marchant tranquillement à son café. Tiède, dommage.
Rallumant une cigarette elle ouvre le journal.

_________________

"NOUVEAU MEURTRE DANS LES BAS QUARTIERS"


Un enfant de 9 ans sauvagement mutilé retrouvé par les agents Siprasiens au
fond d'une benne. Entre ses dents, une rose noire sans épine.

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Intéressant.
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Armand

Armand


Nombre de messages : 7
Date d'inscription : 07/04/2007

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MessageSujet: Re: Où veillent les gardiens.   Où veillent les gardiens. Icon_minitimeSam 12 Mai - 12:16

L'obscurité des ruelles l'engloutissant l'une après l'autre, Armand Gabriel sortait à peine de l'Opéra Regarni qu'il fut mis au courant de ces nouvelles mesures de sécurité, obligeant tout citoyen noctambule à quémander une autorisation pour pouvoir se mouvoir aux seules heures intéressantes, du crépuscule à l'aurore d'une journée.
Son empressement n'avait d'égal qu'une colère encore rentrée qui risquait d'éclater au visage même du premier agent Siprasien qui passerait. Lui qui jouait pour les plus grands de ce monde, dans les quartiers les mieux famés, ne pouvait être interdit de sortie alors que seule la nuit le galvanisait.

Le gouvernement... Armand ralentit sa marche jusqu'à l'arrêt complet. Au creux d'une petite rue, entre deux murs gris recouverts de fumée, il prit appui sur l'un deux et sortit de sa longue cape sombre un chiffon de soie qu'il appliqua légèrement sur son front, essuyant une sueur froide qui s'était formée. Toute sa vie se déroulait sous le nez des puissants de Sipra; acteur à succès, compositeur de génie et chanteur renommé, il était réputé pour sa droiture, sa sincérité... et sa timidité qui le rendait si mal à l'aise en société, et si charmant à la fois. Et pourtant, derrière cette façade irréprochable se terrait la bête... ce monstre intérieur si torturé qui ne demandait qu'à sortir hors de lui, qu'il contenait par l'Art, refusant toute aide autre que celle de ses muses si prolifiques, mais ne parvenant finalement qu'à retarder l'inévitable.

J'en ai besoin... j'en ai tant besoin...

Comme tout parasite impossible à damner, celui-ci s'insinuait en lui et lorsque la faim le taraudait, Armand ne pouvait plus contenir cette rage violente, cette haine du monde qui semblait l'habiter et des gens mourraient... non... pas tous. Seulement les plus faibles, les plus démunis. Les enfants.

Leurs yeux chargés d'un bonheur mêlé de crainte tandis qu'il les accompagne au sein d'une sombre venelle, leurs yeux écarquillés lorsqu'il retire ce masque d'Armand Gabriel devant eux, leurs yeux enlarmés alors que l'acteur baillonne ces fines lèvres, leurs yeux révulsés tandis que leur chair se laisse tendrement pénétrée d'une lame argentée, se teintant si vite du rouge carmin de leurs fluides s'écoulant de rigoles si pures entre les pavés, leurs os craquant un à un telles brindilles piétinées d'un talon indélicat...

Armand se mordit l'intérieur de la joue jusqu'au sang pour reprendre ses esprits.

Pas encore... je vous en prie... pas maintenant...

Il était presque trop tard pour que le processus s'inverse, l'acteur le savait... il réussit pourtant à retrouver contenance, se redressant et épongeant une dernière fois son front livide. Pour l'instant, rien n'était possible à moins de mourrir...
La bête se moquait de la mort... son désir de vie n'était que secondaire face à cette soif de sang juvénile qui l'habitait. Armand, lui, n'adoptait pas cette confession. La vie lui manquerait...la mort lui faisait peur... elle l'effrayait tant, l'obsédait presque...

Le ténor reprit son chemin, longeant la Nesie, tentant de se changer les idées afin que toutes traces de son démon intérieur s'atténuent un instant, le temps d'accomplir ce qui devait l'être avant de laisser cette passion mortifère se déchaîner, hors de son contrôle déjà bien amoindri.
La largeur du fleuve semblait telle que l'Île Baste, pourtant imposante, paraissait flotter sur un miroir aqueux infini. Ce miroir brisé en son milieu par le Pont Neuf, seul biais entre ce monde réel et l'Eden des puissants.

Armand arriva enfin au pied des immenses tours de garde, flanquées de part et d'autre du pont. Les annonces de Lord Stanton restaient sans appel. Il fallait un permis afin de pouvoir se déplacer la nuit. Cette idée laissait l'acteur dubitatif... les Bas-Quartiers vivaient au crépuscule et ne pourraient être contrôlés en leur ensemble... et lui mieux que tout autre, savait que le principal problème aimait s'y terrer. Quelle était l'utilité d'une telle mesure si ce ne fut de creuser encore ce fossé entre ces deux parts de Sipra, l'une gangrénée, l'autre dorée? Cela mériterait un écrit... un jour... si ses démons lui en laissaient le loisir.

Après une courte file d'attente, Armand présenta ses papiers aux Agents chargés du contrôle d'identité et soucieux d'apprécier les motifs légitimes de sorties nocturnes malgré le couvre-feu instauré.
Revêtant son masque d'Armand Gabriel, ténor de renom, il s'adressa à eux d'une voix sombre et veloutée.

...et comme vous pouvez le constater, mes occupations me retiennent bien tard à l'Opéra Regarni ou en tout autre endroit où se produisent mes pièces. Vous comprendrez sans doute que consciencieux, je finisse mon oeuvre avant de revenir en mes quartiers. Afin que mon art se perpétue, j'ai nécessité de cette liberté de circulation lorsque tout feu s'éteint...

Continuant son argumentation, laissant seuls juges les agents siprasiens, Armand espérait obtenir ce qu'il désirait...

En cas d'échec...
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