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 Le Révolu - Salle de jeux

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Morton Guerdas

Morton Guerdas


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Date d'inscription : 28/04/2007

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MessageSujet: Le Révolu - Salle de jeux   Le Révolu - Salle de jeux Icon_minitimeDim 29 Avr - 0:45

Au coeur de la Cardroom du Révolu, la partie battait son plein. Les cinq joueurs entouraient la table centrale de la salle de Poker de l'établissement. Tout autour d'eux, des admirateurs en grand nombre applaudissaient chaque coup de maître que le hasard, souvent douteux, s'empressait de concentrer aux mains d'un seul homme.

Le Révolu était l'établissement rêvé des fortunés de Sipra. Les grands propriétaires immobiliers, les chefs d'entreprises et autres gros bonnets, tous les rupins se retrouvaient en ce lieu pour dépenser le surplus de leurs possessions... et parfois même plus. Il faut dire que l'établissement portait bien son nom. Tous ces tableaux d'une autre époque, ces tuyauteries dorées à peine apparentes, sauf en plantant le nez au plafond, et l'on pouvait alors apercevoir les lustres de fer forgé soulignés de cuivre, pendant des caissons finement travaillés pour éclairer d'une ambiance tamisée les salles vastes et nombreuses du Révolu... Bref, l'endroit parfait pour les vieux croûlants plein de sous.

Au coeur d'un des halos luminescents de la salle de Poker trônait LE joueur de la soirée.
Morton Guerdas, joueur patenté de cartes, dés, et autres jeux de hasard attirant souvent à son art les foules et autres accrocs au gain malacquis, possédait une mainmise féroce sur la partie engagée. Détenteur à présent du seul brelan de ce tour-ci, il observait ses adversaires, un sourcil levé, sourire éclatant aux lèvres et s'éventant de sa future victoire. Un soupir plus tard, il avait constaté que le premier de ces messieurs, bien qu'entouré de deux charmantes fourrures entourant deux jeunes demoiselles, semblait bien mal à l'aise.
Le second joueur possédait une telle suée que son front plissé formait une parfaite gouttière à ce liquide corporel bien gâché. Le troisième était neutre... trop neutre... Morton ne s'en faisait guère. Deux tours déjà que l'individu se couchait avant la dernière mise... un simple plaisantin qui avait besoin de dépenser tels ses pairs pour se faire bien voir en haute société.
Quant au quatrième, il ne le quittait pas des yeux. La partie se jouait entre cet homme et lui. Sylvain Vansteenwandel était un joueur connu des plus grands. Son entreprise avait été mise à flot par ses simples gains au jeu. Morton n'avait encore jamais joué contre lui. Pourtant, toute réputation était surfaite, c'est pourquoi la sienne restait assez faible pour encore impressioner. Car quelle victoire offrait de la satisfaction si tout un chacun connaissait l'issue d'une destinée? Il fallait poser son decorum, modérer son public, offrir du suspens...

Aussi, Morton Guerdas se faisait-il appeler ce soir Baptiste Bellevue, s'était rasé tout ce qui lui restait de barbe, arborant un menton glabre et lisse qui rendait ses lèvres bien plus volumineuses et souriantes qu'elles ne l'étaient habituellement.

"Monsieur Bellevue? Monsieur Bellevue..."

Une telle partie large... les niveaux bien inégaux ne cessaient de...

"Monsieur Bellevue!"

... Il fallait absolument se concentrer... rien n'était encore fait...

"Oh Baptiste! C'est à vous!
- Diable! Oui! Je suis si... quelle belle mise... c'est...
- Vous couchez-vous mon cher?"


La voix était celle de Vansteenwandel. Sarcastique, sûre d'elle... le doute s'insinua dans l'esprit de Morton. L'homme savait bluffer, cela se sentait. Impossible à percer à jour, confiant quoiqu'il en soit... Mais Morton devait mettre toutes les chances de son côté.... quitte à prendre un risque...Un nouveau soupir traversa les lèvres de Guerdas tandis qu'il passait distraitement une main en ses cheveux. C'est alors que son pouce pressa le petit bouton dépassant de sa manchette. Un ressort se détendit sans un bruit et la carte espérée vint se présenter à l'orée de son habit. Ramenant ses doigts contre son jeu, substituant l'une des cartes à celle habilement frôlée de sa paume, le brelan devint carré et le sourire de Morton s'effaça. Il se mordit la lèvre, l'air soucieux.

"C'est ...
- Il n'y a pas de "c'est"... Vous couchez-vous?"
. L'on pouvait sans faille reconnaître le deuxième joueur si nerveux à son intonation saccadée et craintive.
"Je... pour voir... "

Un murmure retentit dans la foule assemblée tandis que toute la table, excepté Vansteenwandel, se couchait. Les deux adversaires se faisaient face, attendant un silence complet et nonchalant, sûr de lui, comme à ses habitudes, le pédant accueillit le carré de figures de Guerdas d'un assorti peu suivi.
Morton soupira de soulagement, présentant son jeu et reçut les applaudissement comme il se devait, d'un grand sourire triomphant, tentant la modestie d'un regard baissé, mais profitant de cette posture pour encaisser les jetons d'une mise rondelette et remportée par lui seul.

Les joueurs se levèrent, la partie était terminée... Tous se dirigèrent vers le salon, grommelant, malgré leurs attitudes de gentlemen nouveaux riches, contre la chance inouïe de ce diable d'homme aux mains ensorcelées. Vansteenwandel resta un instant... il scruta la manche de Morton d'un air sournois, puis ironique, lui sourit.

"Pour ce coup-ci... gagne-petit... mais vous ne l'emporterez pas au paradis..."

Avant même que Guerdas put répondre, l'individu avait suivi le groupe et le laissait seul au milieu de ses jetons, l'air dubitatif et bien moins sûr de lui qu'il ne l'avait été durant toute cette partie.

*Bon sang Morty... tu commences à te faire vieux... cela en vaut-il vraiment la peine?*

Pensant si fort qu'il craignit de s'être exprimé à voix haute, Morton sursauta légèrement avant d'hausser les épaules et d'arborer de nouveau son regard félin et chargé d'espièglerie. Certes, les agents étaient à l'affût, surtout ces temps-ci alors que les meurtres ne cessaient de se multiplier dans tout Sipra... Bien sûr, il risquait gros si on le prenait à tricher pour obtenir l'argent des honnêtes contribuables et gros portefeuilles de la ville... Lui seul, mettait forcément l'économie en péril, c'était évident... Du moins c'est ainsi qu'il imaginait les pensées des Grands de ce monde.
Une femme richement vêtue, intimement inconnue mais l'ayant dévoré du regard durant toute la partie, vint le retrouver à l'entrée de la Cardroom, prenant doucement son bras et murmurant à son oreille.

"Monsieur Bellevue... ce soir, vous êtes mon cavalier..."

Heureux aux jeux, malheureux en amour? La nuit était encore longue et la prophétie avait le temps de pointer le bout de son nez... mais pour l'instant...

"Conduisez-moi dans l'arène, belle Egérie. Je vous dédie tout mes hasards en cette nuit..."

Morton Guerdas oublia vite ses sombres pensées... il venait de gagner sa journée à la sueur de son front et risquant même sa vie... cela valait bien une pause ... et bien méritée! La vie d'escroc n'était pas la plus reposante... surtout au sein de tels quartiers huppés!
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MessageSujet: Re: Le Révolu - Salle de jeux   Le Révolu - Salle de jeux Icon_minitimeMar 22 Avr - 22:48

Il s'en était fallu de peu.
Tandis que Morton Guerdas sortait du Révolu, bottines à la main et sur la pointe de pieds tremblant, des cris résonnaient aux étages du bâtiment, des hautes chambres surplombant tout Sipra aux salles de jeux sous-jacentes fourmillant d'une activité plus intense qu'habituellement. Alors que le joueur invétéré s'était éveillé d'une nuit de plaisir auprès d'une énième femme tombée sous son charme, Guerdas avait fait une découverte surprenante à son chevet.

Les vapeurs de l'alcool hors de prix, bien trop onéreux pour lui, les avaient tous deux envahis et la chaleur n'avait cessé de croitre, forçant presque les amants d'un soir à se débarasser du surplus vestimentaire qui les étouffait peu à peu. D'abord fébrile, Morton avait glissé ses mains autour de la taille de la jeune femme, lui imposant une cambrure suggestive qui ne l'avait déjà pas laissé indifférent. L'ouvrage de la robe dont il tentait d'entrebailler les pans était remarquable, tant en sa beauté qu'en l'efficacité de son hermétisme.
Elle avait alors souri de son empressement, puis un rire cristallin s'était échappé de ses belles lèvres. Elles s'étaient alors rapprochées de son oreille, lui murmurant quelque parole inaudible, du moins non écoutée par Guerdas,concentré en ses mouvements de plus en plus incertains. Le visage perdu dans l'amas de ses boucles blondes, il s'était laissé ennivrer par le parfum envoutant et féminin qui émanait d'elle. Ce fut alors d'un craquement presque victorieux que Morton avait libéré sa compagne d'une nuit de son carcan de tissu, offrant à la lueur des chandelles environnantes une peau laiteuse, immaculée pour y laisser s'appliquer un jeu d'ombres mutines soulignant les fossettes d'un sourire, filant d'une rivière sombre au creux des clavicules, se perdant au crépuscule du sommet de deux collines fermes et douces... Il s'en était assuré du bout des doigts, laissant bien vite ses lèvres rejoindre ce tracé effleuré et frémissant.

C'est ainsi que tous deux s'étaient retrouvés nus, l'un en l'autre, jouissant de plaisirs égoïstes et échangés ou partagés, peuplant le silence de la nuit de gémissements étouffés puis affirmés, enfin, fatigués.
Le sommeil s'en était suivi, réparateur. Elle s'était assoupie avant lui, le laissant à loisir parcourir de regards et caresses son corps couché de côté, lascivement langui et offrant à la clarté des candélabres mourrant les cimes et creux désirés et conquis par un jeune joueur aux mains baladeuses, lesquelles s'étaient soudain figé tandis que Morton s'endormait.

A présent, il passait la porte arrière du Révolu, perdant un instant à lacer ses chausses, frissonant au coeur d'une ruelle insalubre en laquelle s'accumulaient pêle mêle détritus du Révolu, chats à leur affût et ivrognes presque asséchés. Choqué encore par la découverte d'un cadavre à ses côtés aux premières lueurs de l'aube, il se rappela combien ce corps flasque et froid entre ses bras lui avait paru répugnant, repoussant. Aucune trace de sang, nul poison ingéré -Morton et sa belle s'étaient soulés ensemble des mêmes saveurs éthyliques- un simple corps sans vie dont Guerdas s'était effrayé.

Tremblant de tout son corps, imaginant ce que l'on pourrait penser de lui lors d'hypothétiques enquêtes à propos de deux dénudés dont l'un étouffant l'autre en son sommeil, ou quelconque analyse d'un crime passionnel, il n'avait trouvé qu'une option : la fuite, sans chercher à savoir si elle pouvait être sauvée, sans connaître les raisons de sa mort, sans même savoir qui elle était... seule comptait sa vie à lui. Il y tenait bien trop pour en profiter au fin fond du tunnel des Exils ou six pieds sous cette terre grise de Sipra.

Les premières sirènes de vapocalèches d'agents retentirent au loin. Morton accéléra le pas, plus craintif que jamais. Il n'avait alors qu'une idée en tête, fuir et se cacher... mais où?
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