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 Logis d'un certain bourgeois, 113 Rue Madame-la-Prime

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Lou

Lou


Nombre de messages : 4
Localisation : Chez vous?
Date d'inscription : 06/01/2008

Logis d'un certain bourgeois, 113 Rue Madame-la-Prime Empty
MessageSujet: Logis d'un certain bourgeois, 113 Rue Madame-la-Prime   Logis d'un certain bourgeois, 113 Rue Madame-la-Prime Icon_minitimeDim 6 Jan - 17:32

Il est temps.

C'est alors qu'il tenta de s'extraire d'une volupté en laquelle il s'était plongé. Quelques instants auparavant, il s'était renversé dans un bon fauteuil couvert d'un cuir aussi noir que ses atours. Face au jeune homme paré en son sombre costume, trônait sur un tapis aux motifs Estiens un guéridon à la marqueterie florale supportant une quantité bien trop importante pour un seul homme de mets en tous genres. La physionomie du personnage ne pouvait laisser présager d'une quelconque gloutonnerie qui le pousserait à ingurgiter les côtelettes cuites à point, les litres de thé fumant et ces autres mets rôtis ou crus qu'une cuisinière zélée avait du concocter avec soin. Pourtant, alors qu'il se levait, ces denrées n'étaient plus, toutes assimilées par ce puits sans fond qui lui servait de corps. D'une trentaine d'années, les traits fins et soulignant des yeux d'un brun si sombre qu'on l'eût cru noir, Lou s'étirait au milieu de la salle à manger.
Après avoir calmé les soubresauts de son corps encore groggy d'un tel laisser aller, il plongea une main dans la poche intérieure de sa veste. Ses doigts longilignes effleurèrent divers objets -papiers aux schémas bien connus, une clef- et tout au fond, ils se saisirent d'un petit ustensile métallique rond que le jeune homme s'empressa d'observer. L'argent recouvrant la montre gousset qu'il tenait entre pouce et index sauta soudain alors qu'il en actionnait le mécanisme d'ouverture.

Il est plus que temps. Ah! Le vieux fou n'avait pas remonté sa pendule... Ce bon vieil instinct n'a pas besoin de ça lui.

Tandis qu'il soliloquait à voix basse, il s'était rendu devant la cheminée encadrée de marbre, incrustée au coeur du mur le plus imposant de la pièce, couvert de portraits familiaux jaunissant et craquelés. Observant l'horloge reposant sur le montant de l'âtre, il en tourna les aiguilles du bout de l'auriculaire jusqu'à obtenir l'heure exacte. Le manège des deux petites épées dorées fixées par leurs extrémités au centre d'une céramique ronde et lisse aux chiffres romains cuivrés le rendit de nouveau rêveur. L'objet était sans conteste d'une valeur inestimable... pourtant la poussière en recouvrant le dessus témoignait d'une négligence manifeste qui le fit soupirer.

Je m'occuperai de toi à mon retour.

Promesse vaine mais qui l'aida à se détacher de sa contemplation onirique. Lou s'accroupit. Une main sur chaque genou, il tordit le cou pour entrevoir la voute céleste et retrouva un sourire ravi. La nuit n'était pas encore tombée. Aux premières lueurs étoilées, les banquiers, avocats, politiques et autres personnages importants se décidaient enfin à rentrer chez eux. Leur vie était bien souvent des plus prévisibles. Alors que le soleil se levait, jour après jour, ils paressaient au creux de leurs lits aux lourdes boiseries finement travaillées, évoquant en leurs motifs quelques figures épiques ou d'époque. Une bonne venait à leur chevet... parfois un valet. Et tandis qu'ils se reposaient sur lui, émergeant difficilement de leurs divagations nocturnes, ils empoignaient le journal du matin et le consultaient de la fin au début, grommelant ou s'exclamant des actions d'éclat d'untel favorisant ou dépréciant les intérêts du lecteur s'estimant seul concerné. Puis ils partaient travailler.

A nous deux...

Ramassant au creux de l'âtre ses instruments, Lou pénétra dans la cheminée, se redressant dans le large conduit, étroit pour bien des corps mais le sien s'y accordant parfaitement. Son visage frôla la corde qu'il avait empruntée pour se rendre en ce séjour. Accrochée au chef du conduit par un grappin enroulé autour de l'embouchure et retenant ce filin auquel se suspendait le jeune homme, il la repoussa du dos de la main et se baissa de nouveau.

Pressons!

Alors que les riches entrepreneurs se rendaient à leurs fastidieuses activités professionnelles, ils recevaient à leur insu, la visite d'un ramoneur d'un genre particulier. S'invitant chez les gens sans prévenir, dévalisant ce que bon lui semblait, se nourrissant de ce qu'il trouvait, Lou était un acrobate profiteur qui considérait les hautes sphères de la société Siprasienne comme des pigeonniers dont il fallait tirer profit. Chaque roucouleur aux accents privilégiés présentait des dispositions pour devenir un client favori du jeune homme.

Pressons... et nous y voilà.


Crachant dans ses paumes, il se releva et empoigna la corde. A ses pieds, il venait de fixer ses seules aides pour escalader cet étroit passage. Au bout de ses bottes, fixées par de multiples lanières de cuir fermées par des boucles métalliques, de grandes griffes semblables à de petits poignards légèrement recourbés vinrent se ficher entre les briques de la cheminée, effritant le mortier et lui offrant un appui efficace pour son ascencion.
Une main après l'autre, s'agrippant à la corde tandis que ses pieds se fichaient à chaque jointure lui permettant d'y planter ses griffes, Lou grimpait assez vite le long du conduit, constatant avec appréhension que le goulet légèrement étranglé à certains passages le laissait avancer de justesse tandis qu'il tentait de le franchir. Faire bombance avant un tel exercice n'était pas ce qu'il y avait de plus raisonnable, mais le jeune homme s'était habitué à cette collation disponible chez quelques clients, à heure fixe chaque jour.
Son cheminement était rapide. Des années à s'introduire ainsi chez les gens lui avaient procuré une assurance et une habileté qu'il exploitait à fond. Mais alors qu'il s'extrayait du conduit, se hissant à la force des bras hors du couloir vertical, des voix retentirent en bas, un cri rageur et un bruit de vaisselle brisée. Il ne faisait aucun doute que la bonne de ce fameux nabab allait devoir se justifier de ce larcin... prouver son innocence tout d'abord, puis tous tenteraient de comprendre de quelle manière le vol avait eu lieu. D'ici là, Lou serait bien loin.
Il remonta la corde sans un bruit, tout doucement, conscient qu'un frottement trop brusque répercuté contre les parois de la cheminée risquait de sonner le glas de ses petites occupations diurnes.

- Et vous brisez ma porcelaine en plus? Martha... vous.. je... Mais enfin! Qu'est-ce qui vous prend aujourd'hui?
- Mais Monsieur... j'ai déjà dit à monsieur que... ce n'est pas moi, je n'ai rien fait Monsieur... Je...
- Et vous n'avez pas brisé mes biens non plus? Martha vous me décevez énormément! Enormément!
- Mais... Mais...


Enroulant la corde autour de son bras, Lou écoutait l'échange et ressentit un léger remords tandis que la bonne Martha semblait fondre en larmes. Détachant le grappin, il se pencha à l'embouchure du conduit et ouvrit la bouche. Un seul mot pourrait prouver l'innocence de la femme... et marquer la fin de ses combines. Ses lèvres se rejoignirent et il serra les dents. Elle devrait se débrouiller seule. Après tout, son train de vie ne tenait qu'à un fil, il n'était pas encore prêt à le couper. Tentant de faire abstraction des sanglots de la bonne, il s'accroupit de nouveau pour détacher ses lames. Légèrement émoussées... il devrait penser à les aiguiser.
Lou se releva. Les yeux fixés sur l'horizon, il apprécia les dernières lueurs d'un soleil couchant brisant le gris des fumées siprasiennes par ses rayons sanglants. Passant la corde autour de son épaule, le grappin pendant vers le bas et se balançant au gré de son pas, il traversa le toit tout en longueur, prenant bien garde de ne pas s'approcher du bord. Il ne faisait pas encore assez nuit pour redescendre sans risquer de rencontrer un agent ou quelque collabo réputé citoyen siprasien zélé qui s'empresserait de le dénoncer comme suspect.
Le jeune homme repéra un chemin parmis les toitures qui lui permettraient en quelques sauts de se mettre en sûreté en attendant la nuit. Scrutant le ciel à la recherche de quelque ballon ou dirigeable des autorités siprasiennes et constatant une virginité insoupçonnable, il se rendit à l'endroit désiré.

Quel repas... je me demande quel menu l'on me concoctera demain.
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